Un mystérieux empoisonnement.
Lundi 5 Juillet 1937, alors que le mariage de Renée FLANDRE devait être célébré le samedi suivant, celle-ci s’effondre juste après le diner. Une mort accidentelle ? Rien n’est moins sûr, car elle aurait ingéré un verre d’eau additionné d’une poudre transmise par son pharmacien de fiancé. Aurait-elle été empoisonnée ? C’est en tout cas le doute du médecin venu constater la mort, qui refusera le permis d’inhumer.

C’est ainsi que la police, et surtout la presse s’empare de l’affaire ! Rien de tel pour illustrer le thème du mois de Juillet du challenge de l’UPRO-G « Un procès retentissant ».
Une presse à sensation ?
Une histoire somme toute banale, qui fera les choux gras de la presse pendant deux ans, avec pas moins de 16 articles de presse, dans toute la France, mais également un rappel de l’affaire, dix ans plus tard ! Acharnement ou presse à sensation se délectant des détails sordides de ce potentiel meurtre ?
Juillet 1937, une affaire encore régionale
Le médecin de famille refuse de signer l’autorisation d’inhumer de Mle FLANDRE. Pour lui, et pour la famille la mort est suspicieuse. Une enquête est ouverte, et une autopsie est réclamée. Le Progrès de la Somme du 8 Juillet 1937ira même jusqu’à préciser que « le docteur Poulain procédait, au domicile de la famille Flandre, à l’autopsie de la jeune Renée ».
Alors que l’article de la veille mettait en avant la version de la famille de la victime, Le Progrès de la Somme se fait la voix du fiancé juste avant son audition par la justice. « M. André Macron se présentait à notre rédaction et s’entretenait avec celui de nos collaborateurs qui avait la veille eu à relater la fin tragique de Mlle Renée Flandre. Il confirma ce que nous avons dit »
Retournement de situation le 9 Juillet. Le Progrès de la Somme titre « Le mystère de Saleux. L’enquête, qui se poursuit parallèlement à l’information semble devoir orienter celle-ci vers une explication nouvelle de la mort de Renée Flandre ». L’enquête progresse, et la gendarmerie dépeint une victime dépressive, et aux tendances suicidaires.

1938, la descente aux enfers.
Le 16 Janvier 1938, le Petit Journal titre « Renée Flandre était morte le soir de ses fiançailles… ARTHUR MACRON son futur mati lui avait offert des parfums de prix… MAIS C’ETAIT DU CYANURE DE POTASSIUM. Il a été mis en état d’arrestation ». Les résultats des examens de toxicologie sont enfin arrivés et ont permis l’arrestation de Arthur Macron, dit André. Celui-ci, après une nuit d’interrogatoire avoue les faits. Il explique son crime par une famille s’opposant au mariage. Les fiancés avaient projeté de se suicider ensemble, mais sans qu’il en ait le courage.

Nouveau rebondissement ! Le 21 Janvier, plusieurs journaux tels Le Progrès de la Somme et La République nous informent qu’Arthur MACRON est revenu sur ses aveux établis « sous l’emprise d’une forte dépression mentale et parce qu’il souffrait de la faim et de la soif ». Il n’est alors plus question d’un suicide programmé, mais d’une volonté commune des fiancés à rompre leurs fiançailles. Suite à ce désaveux, M. MACRON est incarcéré à la maison d’arrêt d’Amiens.

Un court article du Progrès de la Somme du 28 Août 1938 nous apprend la date de jugement aux Assises de la Somme et résume de façon concise l’affaire.
Rendez vous donc au mois de Novembre 1938, pour l’arrêt des Assises.
Novembre 1938, les Assises de la Somme
Le 4e trimestre d’assises de la Somme traite six affaires dont 4 de meurtres.
De nombreux journalistes de toutes la France sont présents dans la salle, et reprennent dans leurs articles le détail de l’audience. Ainsi, outre la première page illustrée d’une photo du procès dans le numéro du 19 Novembre 1938 du Progrès de la Somme, toute la dernière page est consacré à la rédaction du compte rendu précis des questions/réponses du procès. L’objectif ici est de rendre le lecteur, qui n’aurait pu assister à l’audience, spectateur de ce procès intense ! Nous retrouvons également des comptes rendus dans différents journaux, dont la Dépêche Toulouse, Excelsior, Le Journal, La Petite Gironde, Le Petit Journal, L’Œuvre …

Le Verdict
Le verdict du jugement, qualifié de « Verdict des Pauvres » par le quotidien l’Œuvre (journal indépendant de gauche à l’origine), est surprenant. Alors que la préméditation est établie, M. MACRON Arthur est condamnée à 5 ans de travaux forcés, car il lui a été reconnu des circonstances atténuantes…

L’Œuvre, d’un ton tout à fait ironique, conclura son article ainsi « Il n’avait envisagé qu’une passade. On lui offrait une union durable. Il n’était plus d’accord. Il aurait pu, comme il arrive, abandonner la petite amie trop confiante. Ça n’aurait pas été très joli. Ça aurait même été assez méprisable. Mais Arthur Macron est un jeune homme vertueux. Il a préféré commettre un crime plutôt que de manquer à sa parole. L’extraordinaire est que jurés et magistrats lui en ont su gré »
Et après ?
Devant cet arrêt, Arthur Macron fait appel de la décision, appel qui sera rejeté un an plus tard. Il est cependant chanceux, la déportation vers la Guyane pour travaux forcés a été abolie. Il est ainsi transféré à la Maison Centrale de Caen pour y purger sa peine, jusque normalement 1943. Nous perdons ici sa trace, son entrée sur le registre d’écrou de la Maison Centrale de Caen étant barrée en tant que « Ecrou annulé ».

A-t-il été libéré ou transféré vers une autre prison ? Impossible à savoir ce jour. La seule chose dont nous sommes sûr, c’est qu’il est toujours vivant, puisqu’il se mariera en 1952 dans la commune de Corbie dans la Somme.
Malgré tout, son passé ne restera pas silencieux. 10 ans après les faits, son nom ressort dans les colonnes du Journal “Le Soir” du 25 Janvier 1947, non pas l’accuser, mais pour donner le comparatif avec un autre meurtre…
Voilà un procès qui retentira pendant 10 ans !
Sources :
- Ensemble des articles de journaux : www.retronews.fr
- extrait de jugement et registre d’écrou : archives départementales de la Somme
- photo de la Maison Centrale de Caen : archives départementales du Calvados
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