ChallengeAZ – L’abbaYe

Comme toute ville importante, Amiens a eu son lot d’Abbaye. Mais l’abbaye que je vais vous présenter aujourd’hui est une abbaye avec une histoire particulière, qui implique des moines, des espagnols et des noix… à lire pour cet avant-dernier jour de challengeAZ !

L’abbaye Saint Jean des Prémontrés

L’abbaye Saint Jean des Prémontrés est fondée en 1124 et supprimée en 1790, après la révolution.

Surnommée Saint-Jean-Hors-des-Murs à cause de son implantation à l’ouest de la cité, du moins jusque 1597…

Le contexte historique

L’édit de Beaulieu, signé par Henri III en 1576 donne aux protestants des « places de sûreté », plus nombreuses que celles prévues en 1570. Les picards se révoltent, refusant d’abandonner leurs villes aux hugenots. C’est la création de la Ligue Picarde, nommée plus tard la Ligue Catholique. Cette ligue, soutenue par plusieurs villes picardes comme Amiens, Abbeville, Saint Quentin, Beauvais, Corbie… mais aussi par l’Espagne.

En 1588, Henri III signe le traité d’Union, une paix forcée entre les catholiques représentée par la Ligue Catholique et la monarchie, visant à exclure les protestants de toute possibilité d’accession au trône. Il empêche donc Henri de Navarre, héritier légitime selon la loi salique, de prétendre au trône de France.

Cependant, Henri III est assassiné en 1589. Il n’a pas d’héritier. Henri de Navarre devient donc Henri IV, roi de France et de Navarre.

La Ligue refuse de reconnaître la légitimité d’un roi protestant. Lors de la 2e conversion au catholicisme d’Henri IV, en 1593, Amiens se soumet à l’autorité du roi de France.

Les anciens chefs de la Ligue ne supportent pas ce retournement de situation. Ayant conservé des liens avec les Espagnols, ils favorisent leur entrée sur le territoire français. En 1595, Doullens, au nord d’Amiens est pris pas les espagnols. La menace espagnole sur Amiens est forte.

Chés Mangeux guegues

Nous sommes en 1597, la 8e guerre de religion fait rage. La peste a fortement affaibli Amiens. La population a faim, et la menace espagnole est très présente.

Hernandes Portocarrero, gouverneur espagnol de Doullens depuis sa prise en 1595, souhaite prendre Amiens.

Le 11 mars 1597, il place des groupes de soldats sur la route et tous les sentiers menant à la ville et s’attaquent aux promeneurs. Déguisés en paysans et paysannes, les armes cachées sous les vêtements, paniers au bras, une trentaine de soldats espagnols entrent dans Amiens, comme s’ils allaient au marché.

Amiens envahi par les espagnols – sous l’écusson en haut à droite, l’abbaye St Jean – AD80

C’est alors qu’entrant dans la ville, ils laissent tomber des sacs de noix. Les soldats se ruent sur elles. Les espagnols les tuent. La herse du rempart est bloquée par un (ou des) chariot(s) de foin, et le reste de l’armée pénètre dans la ville. La ville tombe rapidement sous la houlette des Pays Bas Espagnols, et les amiénois garderont de nombreux siècles le sobriquet de mangeux d’guegues « les mangeurs de noix ».

Très vite, Henri IV installe un siège pour reprendre la ville et la récupère en septembre 1597.

Portocarrero en prévision du siège fait détruire des maisons situées dans les faubourgs et l’abbaye Saint Jean de Prémontrés. De peur, les chanoines trouvent refuge dans Amiens, et décide de s’y fixer définitivement.

La prise d’Amiens. En haut a droite, l’abbaye St Jean – AD80

L’abbaye Saint-Jean-des-Prémontrés aujourd’hui

L’abbaye originelle détruite, les chanoines reconstruisent un nouveau monastère au sein de la cité.

En 1730, l’abbaye était la plus riche d’Amiens, avec un revenu annuel de 26 000 livres.

Puis vient la révolution. En 1790, l’ordre des Prémontrés refuse de prêter serment à la Première République. L’abbaye est confisquée et déclarée bien national. Les bâtiments accueillent dès le 19e siècle le lycée de garçons.

Bombardé en 1940, seuls les murs restèrent debout. Classé la même année au titre des monuments historiques, ils sont encore visibles aujourd’hui et occupés par des associations et annexes de la ville d’Amiens.

Quant à la rue de l’Abbaye, elle retrace plus ou moins le chemin de 1597 qui reliait la cité à l’abbaye.

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