Un enfant de l’assistance

Il est, je pense, pas une famille ayant un rapport proche ou lointain avec un enfant de l’assistance publique. Pourtant, ce n’est pas un enfant de ma famille que je vous présente aujourd’hui. Parce que parfois, certaines histoires de l’assistance finissent bien. Et que, parfois le passage à l’assistance est un mal pour un bien.

Voici donc ma réponse au challenge de décembre de l’UproG : « un enfant de l’assistance ».

Louis et Isabelle, des enfants de l’assistance

Notre enquête commence à la lecture du registre de 1886 des enfants abandonnés de l’Assistance Publique de la Somme. Alors que je recherchais un dossier à vous présenter, un matricule attire mon regard.

Louis, né le 4 Juillet 1880, et Isabelle, née le 7 Septembre 1881, laissés à la charité de l’Assistance Publique le 19 Juin 1886. L’arrêté préfectoral fait été d’un abandon suite au décès de leur mère Marie et à la disparition de leur père Alfred.

Mais ce qui attire le regard, c’est la mention de la date de remise aux parents, daté du 3 Octobre 1888. Le père aurait-il été retrouvé ?

fiche individuelle
un enfant de l'assitance

Alfred et Marie

Alfred, fils de Louis et Marie, et Marie, fille de Jules et Marie, se marient en 1877. Tous deux journaliers, ils travaillent dans les champs ensemble. Ils auront au moins cinq enfants : Virginie en 1879, Marie en 1883, Louis en 1880, Isabelle en 1881 et Jules en 1885.

Virginie décédera en 1880, Marie et Jules en 1885, à quelques jours d’intervalles.

Cependant, le mariage n’est pas heureux. Le dossier de l’Assistance Publique nous apprend, grâce à l’enquête faite par le maire, que « dans l’intérêt des enfants, il y a lieu de les soustraire à une autorité qui ne serait être que pernicieuse ».

lettre 
un enfant de l'assistance

Mais que se passe-t-il dans cette famille ?

Placer les enfants, pour leur bien

Le dossier individuel des enfants est pauvre en document, mais riche en information sur la famille. En effet, le 12 Juin 1886, le maire envoie une lettre à l’Assistance Publique, demandant l’admission de Louis et Isabelle à l’hospice.

La cause première est le décès de la mère, à peine un mois plus tôt. Le père lui est parti du village quelques jours plus tôt, abandonnant ses enfants à ses beaux-parents Jules et Marie. Agés respectivement de 53 et 57 ans, et ayant encore quatre enfants à charge, âgés de 14 à 20 ans. Lui est journalier. Il n’a pas les moyens d’entretenir deux enfants supplémentaires. Le maire écrira à leur sujet « cette famille est tout à fais pauvre et ne saurais conserver ces enfants à sa charge.

Alors, pourquoi le placement des enfants est pour leur bien ? La réponse, une fois encore est dans le courrier du maire. Il y décrit le comportement du père, et donne la cause de la mort de la mère.

lettre
pourquoi placer

« Quans au père des enfants abandonnés, c’est un ivrogne incorrigible, je le crains bien. Sa femme étais journellement en lutte à ses brutalités. Trouvant la vie trop lourde, elle s’en noyée ».

Alors afin d’éloigner les enfants de leur père, et de leur éviter (espérons-le) une vie de pauvreté, la décision est prise de les admettre à l’hospice le 19 Juin 1886. Ils y entreront dix jours plus tard.

Un placement à la campagne

A peine 3 jours après être arrivé au dépôt d’Amiens (quelle étrange chose de se rappeler qu’on parle d’enfants et non de colis lorsqu’on parle dépôt…), Louis et Isabelle arrivent dans leur nouvelle famille : Léopold Billoré et Léonice Dizeux. Ils viennent de perdre leur garçon Georges, âgé de 6 ans, et ont une petite fille, Béatrice, âgée de 11 ans. Lui est maçon, elle est ouvrière agricole.

Louis a 5 ans, Isabelle 4. Ils sont donc placés en nourrice. Le registre des matricules nous apprend plusieurs choses :  tout d’abord, les deux enfants vont à l’école dès leurs 6 ans. Ils ont également régulièrement des vêtements à leur taille et leur santé est surveillée si l’ont en crois le tableau de suivi du registre.

école

En juin 1888, l’Assistance Publique fait une visite à domicile et constate le bon entretien des enfants.

Et après l’assistance?

Le 26 Septembre 1888, Jules, le grand père maternel de Louis et Isabelle, aidé par le maire de sa commune, demande que les enfants lui soient rendus, à titre gratuit.

L’Assistance Publique acquiesce, et demande à Léopold Billoré de ramener les enfants au dépôt en vue de la restitution. Le 29 Septembre, il répond affirmativement et réclame deux autres enfants en remplacement. (chose faite, puisqu’en 1906, le recensement fera état de deux garçons de l’A.P., âgés de 12 et 9 ans).

Quant à Isabelle et Louis, ils retourneront avec leurs grands-parents, et 4 oncles et tantes, jusqu’au décès de Marie. Jules, Isabelle et Louis emménageront alors avec un fils, et sa famille.

Isabelle, devenue chapelière, se marie en 1904 avec Georges, un couvreur plafonneur. Il décédera en 1913. Elle se remariera en 1915, avec Constant, facteur. Isabelle aura avec Constant un enfant, Marcel qui naitra en 1919. Elle élèvera également deux enfants d’une précédente union : Alfréda et Georges. Elle décédera en 1947, à l’âge de 66 ans.

 Louis, exerce la profession de fondeur et de mouleur. Il se marie en 1907 avec Jeanne également abandonnée par ses parents. En 1914, il est appelé sous les drapeaux. Il meurt pour la France en 1915. Il avait 35 ans. Sa femme le pleurera jusqu’à sa mort en 1923. On ne leur connait pas de descendance.

fiche signalétique militaire
un enfant de l'assistance

Sources : Archives Départementales de la Somme

2 réponses à « Un enfant de l’assistance »

  1. Au moins le frère et la sœur n’ont pas été séparés.

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    1. Oui! C’est aussi ce que je me suis dis en les trouvant dans le registre !

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